HISTOIRE ABRÉGÉE
DE LA TURQUIE

 

Depuis les origines à l’avènement de la République

 

YILMAZ ÖZTUNA

 

DIRECTION GENERALE DE LA PRESSE ET DE L’INFORMATION

Les Beyliks anatoliens

 
En se fondant sur les chiffres fournis en 1332 par un voyageur arabe du nom de Ibn-Fazlullah, on a calculé qu’il y avait une population d’environ 5 millions d’âmes dans les beylikats turkmènes, et qu’elle se repartissait comme suit: Osmanoðullarý (Fils d’Osman): 1.030.000, territoires appartenant aux Karasioðullarý, que les Fils d’Osman annexèrent peu après: 250.000 (=1.280.000); Karamanoðullarý: 750.000; Germiyanoðullarý: 800.000; Aydýnoðullarý: 700.000; Candaroðullarý: 420.000; Hamîdoðullarý: 380.000 (Branche d’Isparta 300.000, Branche de Teke: 80.000); Saruhanoðullarý: 280.000; Menteþoðullarý: 170 000; Ýnançoðullarý: 100 000; Eþrefoðullarý: 70 000; Gazi Çelebi et ses héritiers de Sinope: 70 000. On peut supposer que le reste de l’Anatolie nourrisait à l’époque 6 à 7 000 000 d’âmes. On en conclut que, dans le second quart du XIVème siècle le territoire de la Turquie actuelle avait une population de 13 millions d’âmes, chiffre très considérable pour l’époque, étant donné que l’Angleterre d’alors ne comptait que 2 millions et la France, alors le pays le plus populeux de l’Europe dans ses limites actuelles, 12 millions et demi d’habitants environ. De plus, il est à peu près certain que la population de la Turquie a baissé sous la domination mongole et que ce pays, vers le milieu du XIIIème siècle, dans ces limites actuelles, devait compter 15 à 16 millions d’habitants. Mais l’Anatolie se trouvait morcelée en un grand nombre d’Etats.

Le plus important de ces Etats fut celui des Karamanoðullarý (Karamanides). Cette dynastie, qui se considérait comme l’héritière des Seldjoukides, lutta pendant des siècles contre l’ambition des Fils d’Osman de réunir l’Anatolie en un seul Etat. Un Karamanide, le Bey Mehmed Ier, proclama le 13 mai 1277 à Konya le turc comme seule langue officielle, interdisant l’usage de l’arabe et particulièrement du persan dans les affaires de l’Etat.

Parmi toutes ces dynasties, les Karamanoðullarý, les Candaroðullarý, les Dulkadiroðullarý et le Germiyanoðullarý, s’allièrent par de nombreux mariages aux Fils d’Osman, donnant et recevant des princesses, en sorte que leurs relations devinrent étroites et intimes.

Parmi ces Beyliks, il y en a qui étaient dans un rapport de vasselage avec autres. Par exemple, aux premières époques, bon nombre de Beyliks d’Anatolie occidentale, y compris les Fils d’Osman (Ottomans), dépendaient des Germiyanoðullarý.

Parmi les Beyliks susmentionnés, Karasý, Aydýn, Menteþe, Saruhan, Germiyan et Osmanlý fondèrent leurs Etats en conquérant sur Byzance les régions en bordure de l’Egée et de la Marmara. Ces territoires, conquis une première fois par Süleyman-Þah, et reconquis par les Byzantins lors de la Première Croisade, ne furent définitivement repris par les Turcs que dans le dernier quart du XIIIème siècle, certains même dans le premier quart du XIVème. Les Beyliks de Karasý, Aydýn, Menteþe et Saruhan costruisirent de puissante flottes et parfois, unissant leurs forces navales, dominèrent l’Egée, lancèrent des expéditions en Grèce, dans les îles de l’Archipel et en Roumélie. Dans cette voie l’Aydýnoðlu Gazi Umur Bey (Paþa) (1334-1348) se distingua et acquit une grande célébrité. Ce prince turc ravagea de sa flotte les côtes de l’Attique, de la Morée, de la Crète, de Chypre, de la Thrace et même les côtes roumaines de la Mer Noire, et fut tué devant les remparts de Smyrne, alors qu’il essayait de s’emparer d’une partie de la ville que détenaient les chevaliers de Saint-Jean de Rhodes, et que les Turcs appelaient “Gâvur Ýzmir” (Smyrne infidèle).

La plupart de ces Beyliks vécurent leurs dernières années dans le vasselage ottoman. Les Ramazanoðullarý et les Dulkadiroðullarý étaient parfois soumis aux Mamelouks. Ceux-ci réussirent à étendre leur influence jusqu’à Karaman. Un certain nombre de Beyliks avaient été détruits par Yýldýrým Bâyézîd; rétablis par Timur après la debâcle d’Ankara en 1402, ils prolongèrent leur existence pendant quelques années encore, soit dans l’indépendance, soit dans le vasselage ottoman. Une partie d’entre eux (les Dulkadiroðullarý, Ramazanoðullarý, Ýsfendiyaroðullarý, Þeref–Hanlar, d’autres encore) continuèrent et achevèrent leur carrière dans une dépendance complète à l’égard des Osmanlýs, en qualité de gouverneurs nommés par ceux-ci.

Mosquée d'alâeddin Konya (XIIIéme s.)