HISTOIRE ABRÉGÉE
DE LA TURQUIE

 

Depuis les origines à l’avènement de la République

 

YILMAZ ÖZTUNA

 

DIRECTION GENERALE DE LA PRESSE ET DE L’INFORMATION

La civilisation turque dans l’ère seldjoukide

 
Les Seldjoukides firent de l’Anatolie une seconde patrie turque. Ils fondèrent sur ces terres une florissante civilisation turque. En particulier la période qui va de 1155, année où Kýlýç Arslan II monta sur le trône, à 1237, date de la mort d’Alâeddin Keykubâd, période de près d’un siècle, représente l’apogée du Premier Empire en Turquie. Le commerce, particuièrement le plus riche et le plus peuplé du monde. Les Seldjoukides ne construisirent pas moins de 96 caravansérays, dont chacun est un grand monument. Des hôpitaux grandioses furent fondés dans les villes de Kayseri (1205), Sivas (1217), Konya (1230), Çankýrý (1235), Divriði (1228), Amasya (1266), Tokat (1275), Kastamonu (1272). Le Sultan Haný qu’Alâeddin le Grand éleva sur la route d’Aksaray à Konya, couvrit 110x50= 5.500 m2. La pensée et les arts se développèrent avec la même vitalité, la production d’œuvres écrites fut immense. Keykâvûs Ier récompensa un poète qui lui avait adressé une ode de 72 distiques par un don de 7200 dinars. C’est avec cette générosité que les Seldjoukides protégeaient les sciences et les arts.

La personnalité littéraire et morale la mieux connue qui illustra l’ère seldjoukide est Mevlânâ Celâleddin Rûmî (1207-1273). Il était né à Belkh, dans le Turkestan méridional. En 1228, âgé de 21 ans, il vint à Konya. Ce beau génie, qui avec son Mesnevî et son Dîvân-ý Kebîr, a pris place parmi les grandes poètes, penseurs et mystiques du monde entier, n’a cessé jusqu’à ce jour d’inspirer la poésie, la pensée et l’art turcs. II est le fondateur moral de l’ordre turc des Mevlevî (Derviches Tourneurs).

Hacý Bektaþ Velî (1190-1271) est, lui aussi, le fondateur du deuxième grand ordre turc, les Bektaþî. Yûnus Emre (1240-1320), par le lyrisme inégalé de ses poèmes écrits en un turc simple et clair, continue d’influencer profondément et de guider la littérature et la pensée turques. Dehhânî est l’un des premiers grands poètes classiques turcs à chanter dans leur dialecte turc oðuz. Il y en eut bin d’autres. Au XIVe siècle, la littérature turque en vers et en prose fleurit abondamment en Anatolie écrite dans le dialecte oðuz, que l’on devait appeler plus tard le dialecte “Osmanlý” et “Anatolien”. Sultan Veled, fils de Mevlânâ, Âþýk Pacha, Gülþehrî, Kaygusuz Abdal, Saîd Emre s’illustrèrent par leurs poèmes. Pourtant la gloire de Nesîmî les a tous éclipsés. Ce poète divin, qui fut exécuté en 1405, figure avec Yûnus, Nevâî et Fuzûlî parmi les artistes les plus constamment jusqu’à nos jours, pas seulement dans la communauté ottomane, mais dans l’ensemble du monde turc en général. Vers la fin du XIVème siècle, Þeyhoðlu Moustapha, Hoca Mes’ud, Kadý Burhaneddin, le roi de Sivas et particulièrement Ahmedî acquirent beaucoup de gloire dans le domaine de la poésie. La fin des grands Seldjoukides et leurs héritiers.

Jusque vers la moitié du XVème siècle, le centre de gravité du monde turc n’est pas encore en Anatolie, mais au Turkestan, non pas chez les Turcs occidentaux, mais bien chez les Turc orientaux. Jusqu’au seuil des Temps Modernes, le monde turc oriental poursuivit son développement. Les Grands Seldjoukides, suzerains de la Turquie jusqu’à Kýlýç-Arslan, se maintinrent jusqu’en 1157.

Le sultan Alp-Arslan d’abord, son fils Melik-Þah (1072-1092) ensuite, enfin tous les fils de ce dernier, à savoir le Sultan Mahmoud (1092-1093), le sultan Berkyaruk (1093-1104), Melik-Þah II (1104-1105), le Sultan Mehmed Tapar (1105-1118) et le Sultan Sancar (1118-1157) montèrent sur le trône les uns après les autres. Les Seldjoukides se soumirent les pays qui s’échelonnent de l’ Egée au Népal, du Sinaï aux monts du Caucase, du Yemen au Kazakistan. L’immense Empire avait une superficie voisine de 15 millions de km2. Dans des villes telles que Baghdad et Nichapour, de grandes universités dénommées “Nizamiye” furent ouvertes. La somme dépensée pour la Nizamiye de Baghdad s’élève à 60 000 dinars. Des savants et des philosophes de réputation mondiale comme Gazzâlî et Cüveynî (Djuveyni) professaient dans ces universités ou les dirigeaient en qualité de recteur.

Les Karahitays mongols (1124-1211) qui fondèrent un vaste Etat en Asie Centrale, dominèrent pendant quelque temps le Turkestan Oriental aux Naymans (1211-1218). Küçlük Kaðan, le Hâkan de Nayman, succomba sous les coups de Gengis. Les Harzem Þahs (1157-1231) héritèrent des Grands Seldjoukides. Mais cet empire aussi fut envahi par Gengis. Celaleddin, le dernier des Harzem Þah, fut refoulé du Turkestan en Iran. Il s’abstint de coopérer avec la Turquie contre l’invasion mongole. Il s’attaqua à Alâeddin Keykubâd le Grand qui, le 10 août 1230, le vainquit à la bataille de Yassýçimen, près d’Erzincan. Après les Harzem-Þahs, ce furent les Fils de Çaðatay, qui descendaient du second fils de Gengis, qui dominèrent le Turkestan. Timur (Tamerlan) le leur enleva en 1370. Néanmoins les Fils de Çaðatay se maintinrent ici et là dans le Turkestan Oriental jusqu’en 1882.

Dans un certain nombre d’Etats régnaient des branches de la dynastie seldjoukide reconnaissant la suzeraineté des grands Seldjoukides. Après la disparition de ces derniers, ils continuèrent de régner. Voici une liste de ces Etats: La Turquie (les Seldjoukides anatoliens) (à Konya), les Seldjoukides de l’Iraq (1117-1194), les Seldjoukide de Syrie (1094-1117), les Seldjoukides de Kirman (1041-1187). Ensuite viennent les Etats appelés “Atabeyliks” et appartenant aux commandents des Seldjoukides. En voici les principaux: les Atabeys d’Azerbaïdjan (les Ildenizlis) (1146-1225), ceux de Mossoul (les Zengîs) (1127-1233) et la dynastie de Lûlû (1233-1262) qui prolongea les Zengîs; enfin les Atabeys d’Alep (1146-1183), de Sincâr (1170-1220) et de Cizre (Djizré) (1170-1227); ces trois derniers Etats appartenant aux branches de la dynastie de Zengîs. Imâdeddin et Nûreddin, ce dernier le tuteur de Salâhaddin Eyyûbî (Saladin l’Ayyubide), ont acquis réputation et gloire dans les luttes épiques et victorieuses qu’ils ont menées contre les Croisés. Quelques autres Atabeyliks sont ceux de Damas (les Böris) (1109-1154), ceux d’Erbil (les Begtiginlis) (1144-1233) et ceux de Perse (les Salgurlus) (1147-1287). On peut encore nommer: Les Karahitays de Kirman (Les Kutluð Hans) (1222-1303), et les Þirvan-Þahs établis au Caucase (1155-1551).

En Europe Orientale, aux alentours de Kazan régnaient les Khans des Bulgares de la Volga (23 Khans, 770-1400). La Horde d’Or, qui domina presque toute l’Europe Orientale et une partie des Balkans (45 Khans, 1223-1502), remonte à Cuci (Djoudji; Çoci, Djotchi en mongole), le fils aîné de Cengiz. Les Khans de Kazan, d’Astýrhan, de Kasým et de Crimée sont tous issus de cette dynastie. La Horde d’Or, tout comme les Ilhanides et les Fils de Çaðatay (Çaðatayides) ayant embrassé l’Islam et adopté le turc, se transforma en un empire turc.

Le fort d'Alanya (XIIIème s.)