HISTOIRE ABRÉGÉE
DE LA TURQUIE

 

Depuis les origines à l’avènement de la République

 

YILMAZ ÖZTUNA

 

DIRECTION GENERALE DE LA PRESSE ET DE L’INFORMATION

Sélim III et Mahmoud II
(1789-1839)

 

Le Sultan Selim III (1789-1807)

 
Selim III (1789-1807) était âgé de vingt-sept ans lors de son accession au trône. Prince hériter depuis quinze ans, il avait reçu une formation des plus parfaites à l’exemple des princes du XVIème siècle. Tout en n’ayant pas été investi (chargé) du gouvernement d’une province, il avait pu sous le règne de son oncle, jouir d’une grande liberté et compléter son savoir par l’expérience des affaires. La paix fut signé entre l’Allemagne en 1791 et avec la Russie, l’année suivante, sans grandes pertes.

Puis vint au début de 1793 le tour des grandes réformes dont ce Sultan était un grand partisan. Il fallait que celles-ci fussent aussi radicales que les réformes entreprises 171 ans auparavant par Osman II, et même de plus grande portée vu la détresse de l’Empire comparée à sa puissance d’antan. II commença par la préparation d’une armée nouvelle qui devait remplacer surtout le corps des Janissaires devenu un foyer de rébellion. L’ensemble de ces réformes qui touchaient tous les domaines est appelé dans l’histoire turque “Nizâm-i-Cedîd” (Ordre nouveau). Mais la générosité de cœur de Selim III, qui repugnait à faire verser le sang entre ses sujets, encouragea les excès de ses adversaires. Voyant l’armée nouvelle du Sultan se fortifier d’année et prévoyant le sort qui les attendait les janissaires s’unirent aux Ulémas réactionnaires pour renverser leur souverain. La révolte de Kabakci mit fin à un règne de dix-huit ans, et le cousin de Selim III, Moustapha IV, fils d’Abdülhamid Ier, fut intronisé. Alemdar Moustapha Pacha, l’un des partisans de Selim III, quitta les bords du Danube pour marcher sur Istanbul et le rétablit dans ses droits. Il déposa Moustapha IV, mais celui-ci profita du désordre pour faire assassiner Selim III.

Selim III ne fut pas seulement une admirable figure de prince éclairé, mais aussi un compositeur de génie, le plus grand parmi les nombreux musiciens que la famille impériale ottomane compte parmi ses membres.

Moustapha IV n’avait régné que quatorze mois. Son frère Mahmoud II (1808-1839) lui succéda. II avait quatre ans lors de l’avènement de Selim III, et celui-ci qui n’avait pas d’enfants lui avait montré une affection paternelle et avait surveillé de près son éducation.

Un nouvelle révolte éclata sous Mahmoud II. En 1808, Alemdar Moustapha Pacha fut assassiné et Moustapha IV, lui-même périt à l’âge de trente ans. La vie de Mahmoud II, seul rejeton mâle de la dynastie ottomane, fut épargnée.
Devenu empereur à vingt trois ans, ce prince consacre les dix sept premières années de son règne à faire de sérieuses réformes. Avec une grande patience, il avança pas à pas, maintenant avec adresse et prudence jusqu’en 1826, l’équilibre parfois fragile de l’Etat qu’il parvint à remettre en ordre.

A la suite de l’insurrection grecque (1821), un petit royaume grec se forma autour de la Morée et proclama son indépendance. Les flottes réunies de l’Angleterre, de la France et de la Russie, qui soutenaient la cause grecque, détruisirent la flotte turque à Navarin (1827).

Le 15 Juin 1826, les Janissaires se révoltèrent une dernière fois. Le peuple s’unit aux forces loyales de l’armée pour les écraser, ce qui aboutit à la supression définive de ce corps irrémédiablement corrompu. Cet événement important qui marqua un tournant décisif vers la modernisation de la Turquie s’appelle “Vak’a-i-Hayriyye” (L’heureux événement).

Le Sultan avait passé à l’action avec énergie. Ayant réussi à sauver son trône et à consolider son pouvoir, il poursuivit avec la même fermeté la réalisation d’une série d’importantes réformes. Il vécut pendant la guerre russo-turque comme simple colonel à la caserne de Râmi, surveillant avec ardeur l’entraînement de sa nouvelle armée. II promulgua un décret (1829) qui modifiait en s’inspirait du modèle européen les tenues civiles et militaires. Le pantalon et la redingote furent adoptés pour les fonctionnaires de l’Etat. Le Sultan lui-même renonça au turban qui fut remplacé par le fez. L’organisation de l’Etat et celle de la cour furent complètement rénovées sous l’influence occidentale. Un journal officiel fut créé. Plusieurs nouvelles écoles de toutes catégories furent fondées, entre autres l’Ecole Supérieure de Guerre et l’Ecole de Médecine actuelles. L’enseignement était dispensé en français dans cette dernière. L’étude de cette langue devint obligatoire pour de nombreux fonctionnaires de l’Etat et l’usage s’établit d’envoyer les élèves les plus capables en Europe, surtout à Paris afin d’y parfaire leur éducation.

La musique européenne fut introduite en Turquie par le Sultan qui engagea à cet effet le frère aîné de Donizetti et lui donna le titre de pacha. Mahmoud II prit des mesures contre les tendances réactionnaires. Les provinces rebelles à l’autorité de la Sublime Porte furent rappelées à l’obéissance et les féodaux contraints à la soumission.

La révolte du gouverneur d’Egypte Mehmed Ali Pacha (1831-1833) mit l’intégrité de l’empire en danger, les problèmes que passaient cette situation ciritique ne trouvèrent pas leur solution sous le règne de Mahmoud II.

Le mouvement de rénovation poursuivit cependant son cours, mais les résultats ne furent pas toujours à la hauteur des ésperances, car la politique impérialiste des grandes puissances occidentales ne laissa pas de répit au Sultan pour achever son œuvre réformatrice. Pourtant de l’avis unanime des historiens, dix ans de vie supplémentaire lui auraient permis de changer profondément la face de son pays, si l’on considère ses réalisations dans la décennie qui précéda sa mort.

Mahmoud II, s’éteignit à cinquante-quatre ans, épuisé avant l’âge par un règne laborieux de trente et un ans. Avec lui, la Turquie s’était sérieusement engagée dans la voie de la modernisation.
II laissait le trône à son jeune fils de 16 ans, Abdül-Medjid, pénétré lui-même des idées de son père, sans toutefois l’égaler en génie, en énergie et en esprit de suite.

Selim III au trone imperial (1789-1807)

La Mosquee de Nousretiyye de Mahmoud II a Istanbul (1808-1839)